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CHAPITRE II. — LA RELIGION DANS LA VIE JOURNALIÈRE. 238 ignorance profonde, que les philosophes et tes théologieus ne font que radoter sur ces questions, que toutes les reUgioDS ont leurs miracles, mais que ces miracles ne prouvent rien, et que, finalement, on peut ies ramener à des phénomènes naturels qui nous sont encore inconnus. Qnsini à la foi qui transporte les montagnes, telle qu’elle se manifestait alors chez les successeurs de Savonarole, il la constate comme un phénomène curieux, toutefois sans faire aucune réflexion méchante. En présence de cette disposition des esprits, le clergé et les moines avaient un grand avantage : c’est qu’on était habitué à eux, et que leur existence se mêlait à l’existence de tout le monde. C’est l’avantage que toutes les institutions anciennes et puissantes ont eu de tout temps ici-bas. Chacun avait quelque parent sous la soutane ou sous le froc ; chacun espérait plus ou moins trouver des protecteurs dans le clergé ou puiser un jour dans le trésor de l’Eglise ; chacun voyait au centre de l’Italie la curie romaine, qui parfois enrichissait tout à coup ses afiidés. Pourtant il faut faire ressortir ce fait que toutes ces considérations n’enchainaient ni la langue ni lu plume de personne. Les joyeux conteurs satiriques sont pour la plupart des moines, des prébendiers, etc. : le Pogge, l’auteur des Facéties, était ecclésiastique ; Francesco Berni, le satirique, avait un canonicat ; Teofilo Folengo, qui a écrit VOrlandino, était Bénédictin, quoique Bénédictin irrégulier ; Matteo Bandello, qui, dans ses Nouvelles, ridiculise l’Ordre même auquel il appartient, était Dominicain, et, de plus, neveu d’un général de cet Ordre. Est-ce un excès de sécurité qui leur met la plume à la main ? est-ce le besoin de se soustraire à la réprobation qui s’attache à leurs pareils ? ou bien est-ce cet égoïsme pessimiste qui prend pour devise : « Après