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CHAPITRE PREMIER. - LA MORALITÉ. 207 tance à ce fait. L’infidélité était certainement aussi très- fréquente dans ces pays, et l’homme dont l’individualité est plus développée s’y laisse souvent entraîner aux ven¬ geances les plus tragiques. On n’a qu’à se rappeler com¬ ment à cette époque les princes du Nord traitaient parfois leurs femmes sur un simple soupçon. Cbez les Italiens de la Renaissance l’amour coupable ne comprenait pas seulement la sensualité banale, l’aveugle désir de l’homme vulgaire; il s’élevait parfois à la passion la plus noble et la plus élevée, non parce que îes jeunes filles non mariées étaient placées en dehors de la société, mais parce que l’homme accompli était plus fortement attiré par la femme développée par le mariage que par toute autre. Ce sont ces hommes qui ont fait entendre les plus sublimes accents de la poésie lyrique et qui, dans des traités et des dialogues, ont essayé de tracer le tableau idéal de la passion qui les consumait, de leur amor divim. Quand ils se plaignent de la cruauté du petit dieu ailé, ils ne songent pas seule¬ ment à la dureté de celle qu’ils aiment ou à sa réserve, ils sont aussi tourmentés par la conscience de l’il légiti¬ mité de la pasdon qu’ils éprouvent. Ils cherchent à oublier leur malheur au moyen de cette spiritualisation de l’amour qui se rattache à la doctrine platonique et qui a trouvé dans Bembo son apôtre le plus célèbre. On l’apprend directement parle troisième livre de ses Asolani et indirectement par l’ouvrage de Castiglione, qui lui met dans la bouche le magnifique discours qui termine le quatrième livre du Corttyiano, Ces deux auteurs n étaient nullement des stoïciens dans la vie ordinaire, mais de leur temps c’était déjà quelque chose que d’étre à la fois un homme célèbre et un homme respectable, et l’on ne saurait leur refuser ces deux épithètes. Leurs