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CHAPITRE PREMIER. — LA MORALITÉ, 205 liste pouvait exploiter l’histoire d’uü amaut menacé de la vengeance d’un mari jaloux avant que celle-ci eût éclaté. Le médecin (et joueur de luth) Antonio Bologna' s’était marié secrètement avec la duchesse douairière de Malfi, de la maison d’Aragon ; déjà les frères de la duchesse s’étaieut emparés d’elle et de ses enfants, et les avaient assassinés dans un château. Autonio, qui ne con¬ naissait pas encore l’événement, et que les meurtriers leurraient de vaines espérances, se trouvait à Milau, où le guettaient déjà des sicaires. Un jour, il chanta son aven¬ ture dans une société réunie chez Hippolyte Sforza. Un ami de la maison, Delio, « raconta â Scipione Ateilano l’histoire telle qu’elle s’était passée jusque-là, en ajoutant qu’il la reproduirait dans une de ses nouvelles, et qu’il savait de source certaine qu’Antonio serait assassiné ». La manière dont le meurtre fut commis, presque sous les yeux de Delio et d’Ateüano, a été décrite d’une manière saisissante par Bandeilo. Mais, en attendant, les nouvellistes prennent toujours parti pour les finesses, les ruses et les tours plaisants auxquels l’adultère a recours : ils s’étendent avec com¬ plaisance sur ces scènes de cache-cache qui se jouent dans les maisons, sur les gestes convenus, sur les mes¬ sages secrets, sur les coffres pourvus de coussins et de provisions de pâtisserie, dans lesquels l’amant peut être caché et emporté. Là, suivant les circonstances, le mari trompé est dépeint comme un personnage naturellement ridicule, ou bien comme un vengeur redoutable ; il n’y a pas de troisième type de mari, à moins qu’on ne veuille représenter La femme comme étant méchante et cruelle, et le mari ou l’amant comme une victime innocente. On ' Voir plus haut, p. 140. note i.