Page:Burckhardt - La civilisation en Italie au temps de la Renaissance. Tome 2.djvu/103

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

toute l’Italie, même ceux qui avaient quelque droit d’être fiers de leur naissance ne pouvaient lutter contre l’influence de la culture intellectuelle et de la fortune, et que les privilèges dont ils jouissaient à la cour et dans l’État n’élevèrent jamais leurs sentiments à la hauteur de leur condition. Venise ne forme sous ce rapport qu’une exception apparente, parce que la vie des nobili est exclusivement civile et qu’ils jouissent de privilèges fort restreints. Il en est tout autrement à Naples, qui, par suite des différeuces plus marquées qui existaient entre les classes de la société et du faste de la noblesse, resta en dehors du mouvement intellectuel de la Renaissance. À la puissance des souvenirs laissés dans le pays par les Lombards, les Normands, et plus tard la noblesse française, vinrent s’ajouter, dès la première moitié du quinzième siècle, les effets de la domination aragonaise, et c’est ainsi que se fit, à Naples tout d’abord, une transformation qui ne s’étendit au reste de l’Italie que cent aus plus tard ; les mœurs, les habitudes devinrent espagnoles ; on se mit à mépriser le travail et à courir après de vains titres. Même avant le commencement du seizième siècle, le mal s’était propagé jusque dans les petites villes. Un auteur de La Cava dit que cette ville a joui d’une opulence devenue légendaire aussi longtemps qu’elle n’a été peuplée que de maçons et de tisserands ; maintenant qu’au lieu d’outils de maçon et de métiers on ne voit plus que des éperons, des étriers et des ceinturons dorés, que chacun vise à devenir docteur en droit ou en médecine, notaire, officier et chevalier, la plus affreuse pauvreté règne partout[1] À Florence, on ne constate une révolution analogue que sous Côme, le premier grand-

  1. Massuccio, nov. 19 (ed. Settembrini, Nap. 1874, p. 220). — La première édition des Nouvelles date de l’année 1476.