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CHAPITRE VII. — LES RÉPUBLIQUES : VENISE, FLORENCE.

du moyen âge produit tout au plus des aperçus généraux des droits et revenus du prince (terriers) ; il conçoit la production comme une chose immobile, ce que, du reste, elle est, à peu de chose près, tant qu’il s’agit du sol lui-même. Les villes de l’Occident, au contraire, ont été probablement amenées de bonne heure à regarder comme essentiellement mobile leur production, qui était tout industrielle et commerciale ; il en est résulté que, même à l’époque où la Hanse florissait, leurs états de production étaient simplement des bilans commerciaux. Flottes, armées, tyrannie et influence politique, tout cela était inscrit par Doit et Avoir comme dans un grand-livre. Ce n’est que dans les États italiens que les conséquences d’une organisation politique raisonnée, les souvenirs de l’administration mahométane, une grande force de production et une paissante activité commerciale se réunissent pour fonder une statistique sérieuse[1]. L’État despotique créé par Frédéric II au sud de l’Italie (p. 3 ss.) avait eu pour base la concentration du pouvoir en vue d’une lutte où son existence même était enjeu. Venise, au contraire, se propose pour but de jouir de la puissance que donne la fortune, de grossir l’héritage du passé, de multiplier les industries lucratives et de s’ouvrir sans cesse de nouveaux débouchés.

Les auteurs s’expriment à cet égard avec une parfaite impartialité[2]. Ils nous apprennent qu’en 1422 le chiffre de la population de la ville s’élevait à 190,000 âmes ; peut-être est-ce en Italie qu’on a commencé à compter non plus par feux, par hommes en état de porter les armes, par individus indépendants, etc., mais

  1. Voir Appendice no 3, à la fin du volume.
  2. Surtout Marin Sanudo, dans les Vite de’ Ducci di Venezia, Murat., XXII, passlm.