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CHAPITRE VII. — LES RÉPUBLIQUES : VENISE, FLORENCE.

incessantes de ia ville avec les Turcs. De plus, l’autorité avait pour eux des ménagements parfois coupables ; aussi un Caton vénitien présageait-il la ruine de la puissance de sa patrie, si cette crainte qu’avaient les nobles de se blesser entre eux subsistait en dépit de la justice[1] Quoi qu’il en soit, cette grande liberté d’allures donnait, en somme, à la noblesse de Venise une bonne et salutaire direction.

S’il fallait absolument donner satisfaction à l’envie et à l’ambition on trouvait des victimes officielles, des autorités constituées et des moyens légaux. Le long martyre moral auquel le doge François Foscari succomba (1457) sous les yeux de tout Venise est peut-être l’exemple le pins terrible de ces vengeances, qui ne sont possibles que dans des États aristocratiques. Le Conseil des Dix qui se mêlait de tout, qui avait le droit absolu de vie et de mort, qui disposait en maitre des deniers publics et des armées, qui renfermait dans son sein les inquisiteurs d’État et qui fit tomber Foscari ainsi que tant d’autres chefs puissants, ce Conseil des Dix était renouvelé tous es ans par la caste dominante, par le Grand Conseil dont il était par conséquent l’image vivante et fidèle. Il est probable qu’il n’y avait guère de grandes intrigues a propos de ces élections, attendu qu une puissance qui devait durer si peu et dont l’exercice entraînait de pandes responsabilités, tentait peu d’ambitions. Malgré les allures ténébreuses et les procédés violents du Conseil des Dix et d’autres autorités vénitiennes, le véritable Venitien ne fuyait pas leur juridiction ; il l’acceptait de onne grâce, non-seulement parce que la République avait le bras long et pouvait, à défaut du vrai coupable,

  1. anm, VtMcium, Mühat., XXIV, col, 105.