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L’ÉTAT AU POINT DE VUE DU MÉCANISME.

le système fiscal est admirable dans ce duché, et il doit l’être, parce qu’il est le plus menacé de tous les Etats grands et moyens de l’Italie, et qu’il a besoin d’armements considérables et de nombreuses places fortes. Sans doute le bien-être du pays dut s’accroître à mesure que le chiffre des impôts s’éleva ; aussi le marquis Nicolo († 1441) exprimait-il le vœu formel que ses sujets devinssent plus riches que les autres peuples. Si l’accroissement de la population prouve l’accroissement réel de la richesse publique, il faut, en effet, considérer comme un fait important qu’en 1497, malgré l’agrandissement considérable de la capitale, on ne trouvait plus de maisons à louer[1]. Ferrare est la première ville moderne de l’Europe ; c’est là qu’on voit pour la première fois, sur un signe du prince, s’élever des quartiers immenses et réguliers ; c’est là que se forme une population d’élite, grâce à la concentration d’un monde de fonctionnaires sur un même point et â la présence de nombreux industriels attirés par toute sorte de privilèges ; de riches exilés, surtout des Florentins, viennent demander l’hospitalité à Ferrare et y construisent des palais. Mais, d’autre part, les impôts indirects étaient écrasants. Il est vrai que le souverain montrait une certaine sollicitude pour son peuple, à Texemple d’autres princes italiens, de Marie Galéas Sforza, entre autres : en cas de disette, il faisait venir des blés étrangers[2] et les distribuait gratuitement, à ce qu’il paraît ; mais en temps ordinaire il se dédommageait par le monopole, sinon du blé, du moins de beaucoup d’autres denrées alimentaires, telles que les viandes salées et

  1. Diario Ferr., loc. cit., col. 347.
  2. Paul Jovius, Vita Alfonsi ducis, p. ex, , ed Flor., 1550, et le même sujet, traité en italien par Giovanbattista Gelli, Flor., 1553.