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CHAPITRE V
LES GRANDES MAISONS RÉGNANTES

Parmi les dynasties importantes, celle de la maison d’Aragon mérite d’être étudiée à part. Le système féedal qui subsiste ici depuis les Normands sous la forme de baronnies indépendantes, donne à l’État un caractère particulier, pendant que dans le reste de l’Italie sauf la partie méridionale des États de l’Église et quelques autres légions, la propriété foncière pure et simple est seule admise, et que l’État a supprimé les privilèges héréditaires. Alphonse le Grand, qui règnes à Naples à partir de 1435 († 1458), est loin de ressembler à ses descendants réels ou supposés. Grand et magnifique en toutes choses, tranquille au milieu d’un peuple qui l’aimait, généreux envers ses ennemis, modeste malgré le sang royal qui coulait dans ses veines, aimable et distingué dans la vie ordinaire[1], sachant se faire admirer jusque dans la passion tardive qu’il éprouva pour Lucrèce d’Alagna, il eut un seul défaut, défaut qui souvent sert à faire valoir des qualités brillantes, la prodigalité avec toutes les conséquences qu’elle entraîne fatalement. On vit des employés aux finances devenir tout-puissants, malgré leurs malversations, jusqu’au moment où le Roi

  1. Jovian Pontan., Opp. ed. Basile, 1538, t. I : De liberalisatie, cap. XIX, XXIX, et De obedientia, I, 4. Compar. Sismondi, X, p. 78 ss. Panormita, De dictis et factos Alphonsi, lib. I, no 81 ; IV, no 42.