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CHAPITRE IV. — LES PETITS TYRANS.

pendant sa vie, comme si la mort elle-même n’avait pu le dompter. Les vainqueurs se présentèrent chez les amis de la famille, mais ils trouvèrent tout le monde en larmes et faisant des préparatifs de départ pour la campagne. Cependant les Baglioni échappés au fer des assassins réunirent des soldats, et le lendemain, conduits par Jean-Paul, ils pénétrèrent dans la ville, où d’autres de leurs partisans, menacés de mort par Barciglia, se joignirent à eux. Lorsque Grifon tomba, près de San-Ercolano, entre les mains de Jean-Paul, celui-ci laissa à ses gens le soin de le tuer ; Barciglia et Penna parvinrent à se réfugier à Camerino, auprès de Varano, l’auteur de tout le mal. En un clin d’œil Jean-Paul fut maître de la ville, presque sans avoir perdu de monde.

Atalante, la mère de Grifon, femme encore jeune et belle, qui la veille s’était retirée dans une terre avec Zénobie, la femme de son fils, et deux de ses enfants, et qui, à plusieurs reprises, avait repoussé en le maudissant son fils qui voulait la faire revenir, arriva avec sa bru et chercha son fils mourant. Tout le monde s’écarta devant ces deux femmes ; personne ne voulait passer pour le meurtrier de Grifon, afin de ne pas encourir la malédiction de sa mère. Mais on se trompait ; elle-même conjura son fils de pardonner à ceux qui lui avaient porté les coups mortels, et il expira en emportant sa bénédiction. Le peuple s’inclina avec respect devant les deux femmes lorsqu’elles traversèrent la place avec leurs habits tout ensanglantés. C’est cette Atalante pour laquelle Raphaël a peint plus tard la célèbre Mise au tombeau. C’est ainsi qu’elle mit sa propre douleur aux pieds de Celle dont la douleur maternelle a été la plus sublime et la plus sacrée.

Le dôme près duquel s’étaient passés la plupart de