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APPENDICES.

grand dictionnaire destiné à faciliter l‘intelllgence du Talmud, des Midraschim et du Thargum, »ouvrage qui ne décèle pas, il est vrai, un esprit scientifique bien profond, mais qui offre de si abondants matériaux et repose sur des sources si anciennes » que même aujourd’hui c’est encore un trésor où l’on trouve à puiser (Abraham Geiger, It JudaUm et son histoire, Breslau, t. II. 1865, p. 170, et du même auteur ; Écrits posthumes, i. II, Berlin, 1875* p. 129 et 154). Un peu plus tard, au treizième siècle, la littérature judaïque mit, en Italie, les Juifs en contact avec les chrétiens, et reçut une sorte de consécration officielle grâce à Frédéric II et, peut-être à un degré encore plus élevé, grâce à son fils Manfred. Ce contact est prouvé par le fait qu’un italien, Nicolò di Giovinazzo, étudia avec un Juif, Moïse ben Salomon, la traduction en hébreu du célèbre ouvrage de Maimonides, More Nebuchim ; la sanction dont nous avons parlé est attestée par le fait que l’Empereur, qui se distinguait par ses opinions libérales eu matière de religion aussi bien que par son goût pour les études orientales, fit faire probablement la traduction latine de l’ouvrage susdit et qu’il fit venir le célèbre Anatoli de Provence en Italie, pour traduire en hébreu les écrits d’Averroès (comp. Steinschneider, BihUogr. hébraïque, XV, p. 80. Comp. aussi Renan : âvei’roès et FAver-^ rotsme,Z*éd., Paris, 1866, p. 290). Ces faits seuls suffiraient ù prouver la connaissance que des Juifs savants avaient de la langue latine ; par suite, des relations suivies entre Juifs et chrétiens étaient possibles ; elles s’établirent en effet et furent tantôt amicales, tantôt déterminées par la polémique. Dans la seconde moitié du treizième siècle, Hillel b. Samuel s’adonne encore bien plus qu’AnatoIi à l’étude de la littérature latine ; il avait étudié en Espagne, mais il revint en Italie et y traduisit toute sorte d’ouvrages du latin en hébreu, entre autres des écrits d’Hippocrate, qu’il traduisit d’une version latine (imprimée en 1647 par Gaioitius et considérée comme étant sa propriété) ; dans cette traduction il mit quelques mots italiens destinés â éclaircir le texte, et c’est peut-être par l’emploi de ces mots ou par toute son activité littéraire en général qu’il s’attira le reproche de mépriser les doctrines judaïques.

Mais les Juifs ne s’en tiennent pas là ; à la fin du treizième siècle et au quatorzième, ils se rapprochent de la science chrétienne et des principaux représentants de la culture de la Renaissance à tel point que l’un d’eux, Giuda Romano, étudia avec ardeur la philosophie scolastique et écrivit sur cette science une série de traités en hébreu qui n’ont pas été imprimés jusqu’à présent ; dans un écrit destiné à servir d’éclaircissement à un texte hébraïque, il emploie des termes italiens ; il est ainsi l’un des premiers Juifs qui aient fait cette innovation (Steinsciineider, Giuda Romano, Rome, 1B70). L’autre, le cousin de Giuda, Manoello, ami de Dante, écrit, à I‘imitation du grand poète florentin, une sorte de Divine Comédie