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CHAPITRE XI. — L’HUMANISME AU SEIZIÈME SIÈCLE.

influence sur les puissants, leur langage pédantesque, leur ingratitude envers leurs maîtres, les basses adulations qu’ils prodiguent aux princes, qui commencent par amorcer le lettré et finissent par le laisser mourir de faim, etc. L’ouvrage se termine par une observation sur l’âge d’or, qui régnait à l’époque où il n’y avait pas encore de science. Une de ces accusations ne tarda pas à devenir plus grave que toutes les autres : c’est celle d’hérésie. Gyraldus lui-même, faisant réimprimer plus tard une œuvre de jeunesse tout à fait sans conséquence[1], est obligé de se cramponner au manteau du duc Hercule II de Ferrare[2], parce que la parole est à des gens qui trouvent qu’il ferait mieux d’employer son temps à traiter des sujets chrétiens qu’à faire des recherches sur la mythologie. Il fait observer que, vu l’esprit du temps, ces travaux sont à peu près les seuls qui soient innocents, c’est-à-dire neutres, tout en étant dignes d’occuper l’homme de science.

Si l’histoire de la culture est tenue de rechercher des témoignages où le sentiment humain domine et parle plus haut que l’accusation elle-même, elle doit surtout consulter l’ouvrage de Pierio Valeriano « sur le malheur des savants[3] » ; c’est une source plus précieuse que tout ce qu’on pourrait imaginer. Ce livre a été écrit sous la lugu-

  1. Lil. Greg. Gyraldus, Hercules, Opp., I, p. 544-570. La dédicace est un monument parlant des premières menaces de l’inquisition.
  2. Hercule était généralement considéré, ainsi que nous l’avons vu plus haut (p. 329, note 2), comme le dernier protecteur des savants.
  3. De infelicitate litteratorum. — Sur les éditions, voir plus haut p. 110, note 1. Après avoir quitté Rome, Pierre Val. a vécu encore longtemps comme professeur à Padoue, où il jouissait de la considération générale. À la fin de son ouvrage, il exprime l’espérance que Charles-Quint et Clément VII inaugureront des temps meilleurs pour les savants.