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LA RÉSURRECTION DE L’ANTIQUITÉ.

concevaient l‘antiquité d’une manière dogmatique, c’est-à-dire comme un modèle constant pour la pensée et pour l’action, que leur position devenait fausse. Mais s’il y a eu un siècle qui s’est aveuglé volontairement et qui a divinisé le monde ancien avec ce qu’il a produit, ce ne sont pas quelques individus qu’il faut en accuser ; il faut voir là dedans quelque chose de providentiel. La cause de la culture est intimement liée à ce fait, et tout son avenir tient à ce que l’antiquité s’est emparée de la vie moderne et y a pris le premier rang.

La carrière des humanistes était généralement telle que les caractères les mieux trempés pouvaient seuls la parcourir sans se dégrader. Le premier danger provenait souvent des parents eux-mémes, qui développaient l’enfant de fort bonne heure et en faisaient un petit prodige[1] en vue d’une condition qui passait pour être la première de toutes. Mais, en général, les enfants prodiges ne dépassent pas une certaine limite, ou bien ils sont obligés de traverser les plus dures épreuves pour arriver à se développer et à se faire un nom. Pour le jeune homme ambitieux, la gloire de l’humaniste et la brillante figure qu’il faisait étaient un dangereux appât ; lui aussi trouvait « que les instincts élevés que lui avait donnés la nature ne lui permettaient plus de s’abaisser aux choses

  1. On en trouve plusieurs ; je le prouverai plus bas. L’enfant prodige Giulio campagnola n’est pas du nombre de reux qui ont été poussés par l’ambition. (Comp. Scardeonios, De urh. Patav. atuiq., dans Græv., Thesaur., VI, IlL col. 276.) — Sur l’enfant prodige Cechino Bracci, mort en 1544, dans sa quinzième année, comp. Trucchi, Poesie ital. inedite. III, p. 229. — Sur la manière dont le père de Cardano voulait lui memnriam artijicialem insiiüare et lui enseigna l’astrologie arabe dès l’âge le plus tendre, comp. Cardanus, De propria vita, cap. ixiiv. — On pourrait aussi compter ici Manoello, à moins qu’on ne veuille attacher aucune importance à ce qu’il a dit ; « Je suis à six ans comme à quatrevingts.
    • Comp. Lut. derOrient, 1843, p. 21.