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CHAPITRE XI. — L’HUMANISME AU SEIZIÈME SIÈCLE.

l‘on n’y croit pas. Les nombreux poëmes licencieux et l’imprudence des poëtes tournant en ridicule leur propre famille, comme, par exemple, dans le dialogue de Pontanus intitulé « Antoine », firent le reste. Le seizième siècle connaissait tous les témoignages qui s’élevaient contre les humanistes, et il s’était fatigué à la longue d’une caste si sujette à caution. Le corps tout entier dut expier ses propres erreurs, ainsi que l’estime exagérée qu’on lui avait accordée jusqu’alors. Sa mauvaise fortune voulut que le plus grand poëte de la nation s’exprimât sur son compte avec le calme d’un mépris écrasant [1].

Parmi ces reproches, qui finirent à un moment donné par former un faisceau redoutable, il n’y en avait que trop de fondés. Bien des philologues gardèrent des mœurs pures et restèrent sincèrement religieux ; ce serait montrer qu’on ne connaît guère cette époque que de les condamner en masse ; mais beaucoup d’entre eux étaient coupables, surtout ceux dont la voix était le plus écoutée.

Trois choses expliquent et atténuent peut-être leur faute : les faveurs exagérées dont ils étaient l’objet quand la fortune leur souriait ; l’incertitude de leur existence matérielle, où l’éclat et la misère se succédaient brusquement, suivant le caprice du maître et la méchanceté de leurs ennemis ; enfin l’influence de l’antiquité, qui jetait les esprits dans une fausse voie. Les anciens faisaient tort à leur moralité sans leur communiquer la leur ; raéme en matière religieuse, l’antiquité agissait sur eux surtout par son côté sceptique et négatif, puisqu’il ne pouvait pas être question d’adopter sérieusement le polythéisme d’autrefois. C’est précisément parce qu’ils

  1. Ariosto, Satira VII. De l’année 1531.