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LA RÉSURRECTION DE L’ANTIQUITÉ.

le furent quelquefois même par les humanistes allemands du temps de la Réforme[1]. Cependant on aurait tort d’attribuer ce déluge de poèmes à l’oisiveté ou à la facilité excessive avec laquelle tout le monde écrivait en vers. Chez les Italiens, du moins, cette exubérance qui a produit tant de récits, de tableaux historiques et même de pamphlets en tercets s’explique par le sentiment du style porté à la plus haute puissance. De même que le projet de constitution politique de Niccolo da Uzzano, la revue de l’histoire du temps par Machiavel, la biographie de Savonarole par un troisième, le siège de Piombino par Alphonse le Grand[2], raconté par un quatrième, etc., se produisaient sous cette forme du tercet italien, si difficile à manier, afin de mieux frapper le lecteur, de même beaucoup d’autres écrivains pouvaient avoir besoin de l’hexamètre pour forcer leur public à l’attention. C’est la poésie didactique qui montre le mieux ce qu’on pouvait supporter et ce qu’on demandait sous cette forme. Ce genre de poésie prend au seizième siècle un développement extraordinaire ; on voit même les humanistes les plus éminents descendre jusqu’à chanter en hexamètres latins des opérations purement matérielles, des choses ridicules ou repoussantes, telles que la fabrication de l’or, le jeu des échecs, l’élève des vers à soie, l’astrologie, la syphilis

  1. Comp. les recueils des Scriptores rerum Germanicarum de Schardius, Freher, etc., et plus haut, p. Î60, note 1.
  2. Uzzano, voir Arch. stor. ital., IV, I, 296. — Macchiavelli, I Decenali. — Histoire de Savonarole sous le titre de Cedru : Libani, par Fra Benedetto ; comp. P. Villari, trad. par Berduschek, I, p. 19, note 2. — Assedio di Piombino, dans Murat., XXV. — À mettre en parallèle le Theuerdank de l’empereur Maiimilien et de Melchior Pfinzing, nouv. édit. par Haltaus, Quedlinb. et Leipzig, 1836, et autres ouvrages rimés qui ont puru dans le Nord à cette époque. Comparer tout particulièrement les chants populaires historiques de l’Allemagne, datant du quinzième et du seizième siècle, que nous possédons en si grand nombre.