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CHAPITRE X. — LA POÉSIE NÉO-LATINE.

devoir, et reconnaissent de bon gré la puissance de la Madone.

La gloire de Sannazar, le grand nombre de ses imitateurs, les hommages enthousiastes des hommes les plus éminents de cette époque, de Bembo, qui composa son épitaphe, de Titien, qui fit son portrait, tout cela montre combien il était nécessaire à son siècle et combien ses contemporains l’estimaient. Vivant au commencement de la Réforme, il résolut ce problème difficile : il sut être entièrement classique tout en restant chrétien ; aussi les papes Léon et Clément lui en surent-ils le plus grand gré.

Enfin, l’histoire du temps fut aussi traitée en hexamètres ou en distiques, tantôt sous la forme narrative, tantôt sous forme de panégyrique ; mais, en général, cette sorte d’ouvrage était composée en l’honneur d’un prince ou d’une maison priociére. Aiusi naquirent une Sforciade[1], une Borséide, une Borgiade (voir plus haut p. 275, note 1), une Laurentiade, une Trivulciade, etc. Sans doute les auteurs de ces compositions ont entièrement manqué leur but, car ceux dont le nom est immortel n’ont pas dû leur gloire à cette espèce de poëmes pour lequels le monde a une répugnance invincible, même s’ils sont l’œuvre d’hommes de talent. Il en est tout autrement de ces compositions plus petites, de ces œuvres de genre qui se bornent k retracer une scène de la vie des hommes célèbres ; tel est, par exemple, le beau poëme sur la Chasse de Léon X près de Palo[2] ou le Voyage de Jules II,

  1. Il y a deux Sforciades qui n’ont pas été imprimées et qui sont inachevées, l’une de Filelfo l’aîné, l’autre de Filelfo le jeune. Sur ce dernier ouvrage comp. Favre, Mélanges d’hist. lit., I, p. 156 ; sur le premier, voir Rosmini, Filelfo, II, p. 157-175. Celui-ci devait aller jusqu’à 12,800 vers ; il contient entre autres ce passage : Le soleil s’éprend de Blanche.
  2. Roscœ, Leone X, éd. Bosse, VIII, 184 ; ainsi qu’un poëme de