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LA RÉSURRECTION DE L’ANTIQUITÉ.

créations originales. Celui qui dans les arts ne peut pas supporter des formes dérivées, celui qui n‘apprécie pas l’antiquité ou qui, au contraire, la regarde comme inaccessible ou inimitable, celui qui est d’une sévérité inexorable pour des poètes qui ont dû, par exemple, retrouver ou deviner la quantité d’une fouie de syllabes, celui-là doit laisser cette littérature de côté. Les plus belles productions ne sont pas faites pour résister à une critique absolue, il suffit qu’elles soient une source de plaisir pour le poëte et pour des milliers de ses contemporains[1].

Ce qui réussit le moins, c’est l’épopée tirée d’histoires et de légendes de l’antiquité. Comme on le sait, on refuse les qualités essentielles d’une vivante poésie épique aux modèles latins et même aux Grecs, sauf Homère ; comment auraient-elles pu se rencontrer chez les Latins de la Renaissance ? Quoi qu’il en soit, l‘Afrique de Pétrarque[2] a eu peut-être des lecteurs et des auditeurs aussi nombreux et aussi enthousiastes que n’importe quelle épopée moderne. Il n’est pas sans intérêt de rappeler le but et l’origine de ce poëme. Le quatorzième siècle avait parfaitement raison de voir dans l’époque de la deuxième guerre punique l’apogée de la grandeur romaine ; c’est donc cette époque que voulait et devait chanter Pétrarque. Si Silius Italiens avait été déjà découvert, il aurait choisi peut-être une autre matière ; mais, à défaut d’un autre sujet, Scipioii l’Africain intéressait le quatorzième siècle à tel point qu’un autre poète, Zanobi

  1. Pour la suite, voir les DcUdce poeiamm îialor, — Paul. Jovius, PAogia. — Lil. Grcg. Gyraldu-S, De potlîs nosirî «mjjons ; — les aunexes de Rosccc, Leone A, ed- Bossi.
  2. Deux nouvelles éditions du poëme ont été publiées par Pingaud (Paris, 1872) et par Corradini (Padoue, 1874) ; en 1874 ont paru aussi deux traductions italiennes par G. E. Gaiido et A. Palesa. Sur Africa, comp, L. Geiger, Pèlrargue, p. 122 ss. et 270, note 7