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LA RÉSURRECTION DE L’ANTIQUITÉ.

Léonard Arétin et da Pogge. C’est ainsi qu’après des négociations infructueuses avec Jean-Marie Filelfo et d’autres, Sabellico écrivit au quinzième siècle les Décades, et que Pierre Bembo fit son Historia rerum Venetarum, Ces deux livres, dont le second n’est que la continuation du premier, ont été formellement demandés par Venise à leurs auteurs.

Les grands historiens florentins du seizième siècle (p. 103 ss.) sont de tout autres hommes que les écrivains latins P. Jove et Bembo. lis écrivent en italien, non pas seulement parce qu’ils ne sont plus capables de rivaliser avec l’élégance raffinée des latinistes d’alors, mais parce qu’ils veulent, comme Machiavel, revivre, pour ainsi dire, dans le passé et présenter les faits sous une forme vivante, parce qu’ils veulent, comme Guichardin, Varchi et la plupart des autres, frapper l’esprit de leurs lecteurs en exposant des vues neuves et fécondes. Même quand ils n’écrivent que pour un petit nombre d’amis, comme l‘a fait Vettori, un instinct irrésistible les pousse à s’entourer de témoignages, à s’expliquer et à sc justifier à propos de la part qu’ils ont prise aux événements.

Malgré l’originalité de leur style et de leur langue, on reconnaît qu’ils ont subi l’influence de l’antiquité, et on ne les concevrait pas sans elle. Ce ne sont plus des humanistes, mais ils ont traversé l‘humanisme el sont plus pénétrés de l’esprit qui anime les historiens anciens que la plupart des imitateurs de Tite-Live : ce sont des citoyens qui écrivent pour des citoyens, comme faisaient les Thucydide et les Tacite.