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LA RÉSURRECTION DE L’ANTIQUITÉ.

logne et de Ferrare, par exemple ; il a plus de confiance en eux ; il sait encore bien plus de gré aux meilleurs des chroniqueurs proprement dits qui écrivent en italien, à un Marin Sanudo, à un Corio, à un Infessura, jusqu’à la brillante série des grands historiens italiens, qui écrivent dans leur langue maternelle, série qui ouvre si brillamment le seizième siècle.

En réalité, il est incontestable que la langue du pays conveuait bien mieux que la langue latine à l’historien de son temps. L’italien aurait-il aussi mieux valu pour le récit de faits passés depuis longtemps et pour la critique historique ? C’est une question qui, pour l’époque dont nous parlons, comporte plusieurs réponses. Le latin était alors la dingua franca des savants, non-seulement dans le sens international, entre Anglais, Français et Italiens, par exemple, mais encore dans le sens interprovincial, c’est-à-dire que la langue parlée par le Lombard, le Vénitien, le Napolitain, n’était pas reconnue par le Florentin, bien qu’elle fût toscanisée depuis longtemps et qu’elle ne conservât que de faibles traces de provincialisme. Cela n’aurait pas tiré à conséquence pour les chroniques locales, qui étaient assurées de trouver des lecteurs sur les lieux mêmes ; mais il n’cn aurait pas été de même de l’histoire du passé, pour laquelle il fallait chercher un cercle de lecteurs plus étendu. Ici l’on pouvait sacrifier la sympathie locale d’une population à la sympathie générale des savants. Jusqu’où serait allée la réputation de Blondus de Forli, par exemple, s’il avait écrit ses savants ouvrages dans un italien à moitié romagnol ? Ces livres remarquables seraient certainement tombés dans l’oubli, rien que par suite de l’indifférence des Florentins, tandis qu’écrits en latin, ils exercèrent la plus grande influence sur tout l’Occident. Les Flo-