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CHAPITRE VIII. — LES TRAITÉS EN LATIN ET L’HISTOIRE.

sans cesse qu’entre les périodes de Tite-Live et les phrases de César qu’il retrouve chez un Facius, un Sabellicus, un Folieta, un Senarega, un Platina (dans l‘Histoire de Mantoue), chez Bembo {dans les Annales de Venise) et même chez Paul Jove (dans les Histoires), la couleur individuelle et locale, l’intérét des faits ont dû souffrir. On se méfie davantage quand on s’aperçoit que le vrai mérite de Tite-Live, le modèle adopté par les historiographes[1], a été méconnu par eux, qu’ils l’ont vu dans ce fait qu’il « a transformé par la grâce et la richesse de son style une tradition sèche et décolorée » ; on trouve même chez ces auteurs un singulier aveu : c’est que l’histoire doit passionner, charmer, émouvoir le lecteur par les artifices d’un style savant, comme si l’histoire pouvait remplacer la poésie. D’autre part, il faut songer que beaucoup d’historiens humanistes, travaillant sur commande, sont peu instruits de ce qui se passe hors de leur portée, et que les rares données qu’ils peuvent recueillir, ils sont souvent obligés de les exposer de manière à plaire à leurs protecteurs et à leurs patrons. Enfin l‘on se demande si le mépris des choses modernes, que ces mêmes humanistes professent parfois[2] ouvertement, n’a pas dû avoir une influence fâcheuse sur leur manière de les concevoir et d’en parler. Malgré lui, le lecteur a plus de sympathie pour les annalistes latins et italiens, pour ces écrivains sans prétention qui sont restés fidèles à la manière ancienne, pour ceux de Bo-

  1. Benedictus, Caroli VllI hist., dans Eccard, Script., II, col. i577
  2. Petrus Crinitus se plaint de ce mépris, De honesta disdpC 1. XVIII, cap. IX. Les humanistes ressemblent en cela aux auteurs de la fin de l’antiquité, qui évitent aussi d’être de leur temps. — Comp. BüRCKHARdt, Epoque de Constantin h Gr„ p, 285 SS, Comme contraste, voir plusieurs mots du Pogge dans Voigt, Renaissance, p. 443 ss.