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LA RÉSURRECTION DE L’ANTIQUITÉ.

à certaines lettres de Pétrarque (p. 255 et 287). Pourtant quelques orateurs allaient par trop loin. La plupart des discours de Filelfo sont un affreux pêle-mêle de citations classiques et bibliques, rattachées à une série de lieux communs ; dans l’intervalle, l’auteur célèbre la personnalité des grands dont il s’est proposé de faire l’éloge eu leur prêtant, par exemple, toutes les vertus cardinales, et ce n’est qu’à grand’peine qu’on découvre, chez lui et chez d’autres, les quelques éléments historiques de valeur qui s’y trouvent réellement. Le discours d’un docte professeur de Plaisance, par exemple, discours prononcé à l’occasion de la réception du duc Marie-Galéas, commence par l’éloge de C. Julius César, mêle une foule de citations antiques à d’autres citations prises dans un ouvrage allégorique de l’auteur, et se termine par de bonnes leçons fort indiscrètes à l’adresse du souverain[1]. Heureusement la soirée était déjà fort avancée, et l’orateur dut se contenter de remettre au prince le manuscrit de son panégyrique. Filelfo lui-même commence un discours de fiançailles par les mots suivants : Aristote, le célèbre péripatéticien, etc. ; d’autres s’écrient dès Fexorde : Publius Cornélius Scipion, etc., comme si eux-mémes et leurs auditeurs ne pouvaient attendre les citations. À la fin du quinzième siècle, le goût s’épura tout à coup, et cela surtout grâce aux Florentins ; à partir de cette époque, les orateurs deviennent plus sobres de citations ; il faut dire que dans l’intervalle les recueils et les livres à consulter sont devenus plus nombreux, et que le premier venu peut y trouver sans peine ces citations qui, jusqu’alors, avaient émerveillé les princes et le peuple.

  1. Annales Placentini, dans Murat., XX, col. 918.