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CHAPITRE VII. — REPRODUCTION DE L’ANTIQUITÉ.

ce qui est chose naturelle à une époque et chez un peuple où tout le monde était passionné pour la parole vivante et où l’image du sénat et des orateurs romains régnait dans tous les cœurs. L’éloquence est complètement émancipée ; elle est affranchie de l’Église dans le sein de laquelle elle avait trouvé un refuge au moyen âge ; elle forme un des éléments nécessaires et un des ornements naturels de toute existence considérable. Beaucoup de moments solennels qui sont aujourd’hui remplis par la musique appartenaient à l’éloquence latine ou italienne. Et pourtant Bartolommeo Fazio se plaint que l’orateur de son temps soit bien moins partagé que ne l’était l’orateur antique : des trois genres d’éloquence dans lesquels celui-ci pouvait briller, un seul est resté ouvert aux modernes, attendu que l’éloquence judiciaire est réservée aux juristes, et que les discours prononcés dans le conseil des princes doivent être faits en italien [1].

Peu importaient le rang et la condition de l’orateur ; ce qu’on lui demandait avant tout, c’était la haute culture littéraire. À la cour de Borso de Ferrare, le médecin du prince, Jeronimo da Castello, adressa un discours de bienvenue à Frédéric III aussi bien qu’à Pie II [2] ; dans les églises, des laïques mariés montaient en chaire aux jours de féte ou de deuil, et même pour célébrer des saints. Les membres du concile de Bâle qui n’étaient pas Italiens durent être surpris lorsqu’au jour de la féte de saint

    Philelphus, de Sabelliras, de Reroaldus, et les écrits et bioRrapbies de Gian. Mannetti, Sylvius Ænéas, etc.

  1. .................Mannetti aussi, ainsi que l’a raconté Vesp. Brsricci, Comminlaria, p. 51, a prononcé beaucoup de discours en italien, mais les a écrits ensuite en latin. — Les savants du quinzième siècle, Paolo Cortese p. ex. ne jugent en général les travaux passés qu’au point de vue de l’eloquentia.
  2. Diario Perrarof, dans Murat., XXIV, col. 198, 205.