Page:Burckhardt - La civilisation en Italie au temps de la Renaissance. Tome 1.djvu/258

Cette page n’a pas encore été corrigée
254
LA RÉSURRECTION DE L’ANTIQUITÉ.

plus belle source de gloire pour la nation italienne.

Cette première génération de poètes philologues célèbre une cérémonie symbolique qui lui est particulière, qui ne disparait pas même au quinzième et au seizième siècle, mais qui perd peu à peu sa haute valeur : c’est le couronnement des poètes. L'origine de cette cérémonie se perd dans la nuit du moyen âge ; elle n’est jamais arrivée à des rites déterminés et constants ; c’était une démonstration publique, une manifestation visible de la gloire littéraire [1], et, pour cette raison même, elle est quelque chose de mobile et de changeant. Dante, par exemple, semble avoir rêvé une féte à moitié religieuse ; il voulait lui-méme poser la couronne de laurier sur sa tête, penché sur le baptistère de San Giovanni, où il avait été baptisé comme des centaines de milliers d’enfants de Florence [2]. Il aurait pu, dit son biographe, recevoir partout la couronne de laurier, tant sa gloire était éclatante, mais il ne voulut jamais être couronné que dans sa patrie ; aussi est-il mort sans l’avoir été. Plus loin nous apprenons que cet usage était nouveau, et qu’on le regardait comme ayant été transmis par les Grecs aux anciens Romains. En effet, ce qui le rappelait le plus, c’était le concours des joueurs de cithare, des poètes et des autres artistes, qui était un souvenir grec et qui avait lieu au Capitole, concours qui, depuis Domitien, s’était renouvelé tous les cinq ans et qui peut-être avait survécu de quelques années à la chute de l’empire romain. Si les poètes n’osaient pas se couronner eux-mêmes comme Taviiit voulu Dante, qui donc avait le droit de les couronner? Albertino Mus-

  1. Boccaccio, Vita di Dante, p. 50 : U quale (laurea) non scienza accresce, ma è dell' acquistata certissimo teslimonio e ornamento.
  2. Paradiso, XXV, 1 SS. — Boccaccio, Viia di Dante, p. 50 : Sopra le fonti dì San Giovanm si era disposto di coronare, Comp. Paradiso, Ï, 25*