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LA RÉSURRECTION DE L’ANTIQUITÉ.

pour en discuter la valeur et pour faire ressortir les profits qui ont compensé les pertes. Pour le moment, nous n’avons qu’à poser tout d’abord en fait que la culture du quatorzième siècle, de ce siècle si bien trempé, a dû nécessairement contribuer elle-même au complet triomphe de l’humanisme, et que ce sont précisément les représentants les plus illustres du génie italien qui ont ouvert les portes au culte servile que le quinzième siècle a professé pour l’antiquité.

Dante vient en tête. Si une suite de génies de sa valeur avait pu développer la culture italienne, elle aurait acquis et conservé un caractère profondément original, malgré la présence des éléments antiques. Mais l’Italie et l’Occident n’ont pas produit un second Dante ; il est et reste donc celui qui, le premier, a assuré à l’antiquité la prépondérance dans la vie intellectuelle. Il est vrai que, dans la Divine Comédie, il ne mit pas le monde antique et le monde chrétien sur la même ligne, mais il les présente constamment comme étant parallèles ; de même que le moyen âge avait rapproché des types et des antitypes pris dans les histoires et parmi les figures de l’Ancien et du Nouveau Testament, de même il réunit généralement un exemple chrétien et un exemple païen du même fait[1]. Mais il ne faut pas oublier que l’histoire et le monde chrétiens étaient connus, tandis que l’histoire et le monde antiques étaient relativement inconnus, qu’ils parlaient davantage à l’imagination et qu’ils ont dû nécessairement exciter un intérêt plus général alors

  1. Purgatorio, XVIII, contient, par ex., des preuves sérieuses : Marie s’enfuit en franchissant les montagnes, César court en Espagne ; Marie est pauvre et Fabricius désintéressé. — À ce propos, il faut rendre attentif à l’introduction des sibylles dans l’histoire profane de l’antiquité, telle que l’essaye, vers 1360, Uberti dans son Dittamondo (I, chap. XIV, XV}.