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CHAPITRE IV. — L’HUMANISME AU QUATORZIÈME SIÈCLE.

saient et sentaient les anciens. La tradition qu’ils cherchent à répandre se trouve en mille passages dans les œuvres nouvelles.

Souvent des modernes ont regretté que les débuts d’une culture inflnimeut plus indépendante, en apparence tout italienne, telle qu’on put la constater à Florence vers 1300, aient été étouffés plus tard par l’humanisme[1]. En ce temps-là, disent-ils, tout le monde savait lire à Florence, même les âniers chantaient les strophes de Dante ; les meilleurs manuscrits italiens avaient appartenu primitivement à des ouvriers ; alors avait été possible l’apparition d’une encyclopédie populaire comme le « Tesoro » de Brunetto Latini, et tous ces faits avaient eu pour cause première la trempe des caractères telle qu’elle pouvait résulter à Florence de la participation de tous aux affaires publiques, du développement du commerce, des voyages et surtout de l’exclusion systématique de l’oisiveté. Alors aussi les Florentins étaient considérés dans le monde entier et regardés comme propres à tout ; ce n’est pas à tort que le pape Boniface VIII les avait nommés le cinquième élément. À partir de 1400, l’envahissement de l’humanisme avait étouffé ces aptitudes nationales ; ou n’avait plus attendu que de l’antiquité la solution de tous les problèmes, et la littérature s’était réduite à un amas de citations ; la ruine de la liberté était la conséquence de cet état de choses, attendu que cette érudition reposait sur un respect servile de l’autorité, sacrifiait le droit municipal au droit romain, et que, pour ce motif, elle briguait et obtenait la faveur des tyrans.

Nous reviendrons de temps à autre sur ces griefs

  1. Surt. Lidri, Histoire des sciences mathém., II, 159 ss., 258 ss.