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CHAPITRE II. — ROME, LA VILLE AUX RUINES CÉLÈBRES.

de la gaieté[1], fût déçue par suite de sa mort prématurée. Jamais on ne pourra détourner ses regards du brillant tableau que fait Paul Jove de la Rome de Léon X, malgré les ombres qui rassombrissent, c’est-à-dire l’état de servitude de ceux qui veulent parvenir, la misère cachée des prélats, qui, bien que chargés de dettes, sont obligés de mener un train de vie conforme à leur rang[2] ; le hasard qui préside aux faveurs que Léon X répand sur les littérateurs, enfin la prodigalité ruineuse de ce pontife [3]. Le même Arioste, qui connaissait si bien cette situation et qui s’en moquait si gaiement, n’en trace pas moins dans la sixième satire une image mélancolique et touchante de ces poëtes distingués qui l’accompagneraient à travers la ville aux ruines sublimes ; il parie avec attendrissement des doctes conseils qu’il y trouverait pour ses travaux poétiques et des trésors de la Bibliothèque Vaticane. Voilà ce qui l’attirerait à Rome, et non l’espérance de la protection des Médicis, à laquelle il a renoncé depuis longtemps, si l’on voulait l’engager à y retourner comme envoyé de la cour de Ferrare.

Outre le zèle des archéologues et les grands sentiments patriotiques, les ruines éveillèrent à Rome et ailleurs des tendances élégiaques et sentimentales. On trouve déjà dans Pétrarque et dans Boccace des notes de ce genre (p, 219, 224} ; le Pogge (p. 221) va voir sou-

  1. Il voulait curis animlquc doloribus quacunque ratione aditunt intercludere ; il aimait la gaieté, le badinage, la musique, et les regardait comme un moyen de prolonger sa vie. Leonis X vita anonyma, dans Rosccæ, ed. Bossi, XII, p. 169.
  2. Parmi les satires de l’Arioste, la I (Perc’ho molto, etc.) et la IV [Poiché, Annibaie, etc.) doivent être rappelées ici.
  3. Ranke, hs Papes, I, 408 SS. — Lettere de principi, p. 107. Lettre de Negri, !*’■ septembre 1522 : ... Tutti questi cortigiani esausti da Papa Leone e falliti.,, ils se vengèrent aj rès la mort de Léon X par uud foule de vers moqueurs et d’épìtapbes satiriques.