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CHAPITRE II. — ROME, LA VILLE AUX RUINES CÉLÈBRES.

couleurs de la vie, que sa bouche et ses yeux étaient à moitié ouverts. On la porta au Capitole, dans le palais consacré aux reliques du passé, qui devint aussitôt l‘objet d’un pèlerinage. Quantité de peintres vinrent copier cette merveilleuse dépouille ; « car elle était belle au delà de toute expression, et il fallait l’avoir vue pour croire à cette beauté surnaturelle ». Mais, sur l’ordre d’Innocent VIII, elle fut emportée au milieu de la nuit et enterrée secrètement au delà de la porte Pinciana, et le sarcophage seul resta dans la galerie de la cour du palais. Probablement on avait moulé en cire un masque de couleur qu’on avait appliqué sur la tête du cadavre, et les cheveux d’or dont il était question devaient parfaitement encadrer ce masque embelli jusqu’à l‘idéal. Ce qu’il y a de frappant en cela, ce n’est pas le fait lui-même, mais le préjugé, solidement ancré dans les esprits, que le corps antique que l‘on croyait avoir réellement sous les yeux, était nécessairement plus beau que ce qui existait alors.

Cependant, grâce aux fouilles, on arrivait de jour en jour à mieux connaître l’ancienne Rome. Déjà sous Alexandre VI, on apprit à connaître ce qu’on appelle les grotesques, c’est-à-dire les ornements des murs et des voûtes des anciens, et l’on trouva à Porto d’Anzo l’Apollon du Belvédère ; sous Jules II eut lieu la glorieuse découverte du Laocoon, de la Vénus du Vatican, du Torse, de la Cléopâtre, etc. [1] ; même les palais des grlnds et des cardinaux commencèrent à se peupler de statues antiques et à se remplir de fragments précieux. Baphacl entreprit pour Léon X cette restauration idéale de toute la ville des Césars, dont parle sa fameuse lettre de 1518

  1. Déjà sous Jules II on faisait des fouilles dans le but de trouver des statues. Vasari, XI, p. 302, V. di Gio, da Hdine, compap. Grego-ROViüS, VHI, p. 186.