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DÉVELOPPEMENT DE L’INDIVIDU.

œuvre savante et réfléchie de quelques éléments fournis par le monde antique ; en Italie, c’est le monde savant et le peuple à la fois qui rendent hommage à l’antiquité et qui veulent la faire revivre, parce qu’elle rappelle à tous la grandeur passée de leur pays. La facilité qu’ont les Italiens à comprendre la langue latine, la masse de souvenirs et de monuments qui subsistent encore contribuent puissamment à ce développement intellectuel. C’est de ce mouvement et de l’action en sens contraire, de l’esprit des institutions politiques germaniques et lombardes, qui pourtant s’était modifié avec le temps, de la chevalerie répandue par toute l’Europe, de l’influence du Nord, de celle de la religion et de l’Église que naît l’esprit italien moderne, auquel était réservé l’honneur de servir de modèle à l’Occident.

Les édifices qui, au douzième siècle, s’élèvent dans la Toscane, et les sculptures du treizième siècle montrent comment le génie de l’antiquité inspire l’art plastique dès que cesse la barbarie. Nous trouvons même des parallèles dans la poésie, s’il est permis d’admettre que le plus grand poëte latin du douzième siècle, celui qui donnait le ton pour tout un genre de la poésie latine de ce temps, ait été un Italien Nous voulons parler de celui auquel on doit les meilleures pièces de ce qu’on appelle Carmina Burana. Le plaisir de vivre et de jouir de l’existence sous la protection des dieux du paganisme ressuscités, dans un monde où les Gâtons et les Scipions remplacent les saints et les héros du christianisme, déborde comme un fleuve magnifique dans ces strophes rimées. Quand on les lit d’un trait, on a peine à s’empêcher de reconnaître que c’est un Italien, probablement un Lombard qui parle ; il y a, de plus, des