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CHAPITRE IV. — LA RAILLERIE ET L’ESPRIT MODERNES.

mauvaise langue », tels sont les traits distinctifs des Florentins[1]. Une douce raillerie qui s’attaquait à toutes choses était probablement le ton habituel de la société. Machiavel, dans le remarquable prologue de sa Mandragora, fait dériver avec raison de la médisance générale l‘abaissement visible des caractères, et il menace, du reste, ses détracteurs en leur rappelant qu’il s’entend, lui aussi, à médire. Puis vient la cour pontificale, qui est depuis longtemps le rendez-vous des langues les plus affilées. Les Facetie de Pogge sont datées de l’officine de mensonges des secrétaires apostoliques, et, si l‘on considère le grand nombre de coureurs de places déçus, d’ennemis et de concurrents ambitieux des gens favorisés du sort, d’hommes dévoués aux plaisirs, de prélats immoraux qni étaient réunis à Rome, on ne peut trouver extraordinaire que cette ville soit devenue l’asüc du pasquiü et de la satire personnelle. Si l’on ajoute à cela les griefs qu’inventait l’antipathie générale contre la domination des gens d’Église et le besoin, inné chez la populace, d’attribuer aux puissants les vices les plus horribles, on trouve un total effrayant de turpitudes [2]. Les gens en vue se défendaient victorieusement contre ces attaques par le dédain, pour ce qui concernait les accusations fondées aussi bien que les accusations mensongères, et n’en continuaient pas moins leur vie

  1. Uiitre piuoriche, I, 71, dans une lettre de Vinc. Borghini. 1577 dit des jeunes sei¬ gneurs florentins de la fin du quinzième siècle : Gli studi loro erano apparire col vestire splendidi, e col parlare sagaci ed astuti, e quello che pm destramente mordeva gli altri, era più savio e da più stimalo.
  2. Comp. l‘oraison funèbre composée par Fedra Inghirami sur Ludovic Podocataro (mort le 25 août 1504), dans Ies dnccd. lia., l, p. .diy. — Massaino, l’auteur de la chronique scandaleuse, cité pai- Paul. Jov., Dialogue de oiris liti, illustr, (Tirabosghi , t. VII. parte IV, p. 1631).