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DÉVELOPPEMENT DE L’INDIVIDU.

y a eu sans doute des virtuoses dans ce genre, des artistes bien supérieurs à tous les bouffons de cour, qui n’étaient siimulés ni par la concurrence, ni par le continuel cbangement de public, ni par la vive intelligence des auditeurs (toutes choses qui se rencontraient à Florence). Aussi voyait-on des Florentins exploiter les cours des tyrans de la Lorabardie et de la Romagne[1] ; ils trouvaient leur compte à ces pérégrinations, tandis qulls auraient végété dans leur ville natale, oü l’esprit courait les rues. Le type le moins vulgaire, c’est celui de l’homme amusant (l‘uomo piacevole) ; au dernier degré de l’échelle est le bouffon et le parasite de bas étage, qui court aux noces et aux festins en se faisant ce raisonnement : « Si je n’ai pas été invité, ce n’est pas ma faute[2]. » De temps en temps ces derniers aident à ruiner un jeune dissipateur ; mais, en somme, ils sont traités en parasites et méprisés comme tels, tandis que les farceurs d’un ordre plus élevé se considèrent à l’égal des princes et regardent leur esprit comme une puissance vraiment souveraine. Dolcibene, que l’empereur Charles IV avait proclamé « Imperator di Buem », « roi des farceurs d’Italie », dit un jour à ce prince, dans la ville de Ferrare : « Vous vaincrez le monde, parce que vous êtes mon ami et celui du Pape ; vous combattez avec ses bulles, moi avec la langue [3]. » Ce mot n’est pas une simple plaisanterie, il fait pressenlir Pierre Arétin.


    unique : Commissioni di Rinaldo degli Albizzi, t. III, p. 651, 669. Le fou était considéré comme nécessaire pour égayer les convives après le repas : voir Alcyonius, De exilais, ed. Mencken, p. 129.

  1. Sacchetti, Nov. 48. Et pourtant on voit par la Nov, 67 que parfois un Romagnol pouvait dépasser le Florentin le plus futé.
  2. L. B. Alberti (comp ci-dess. p. 1G7, note 3), Del governo della familia (Opere, ed. Bonucci, V, 171).
  3. Franco Sacchetti, Nov. 156 ; comp. Nov. 14 sur Dolcibene et les Juifs. (Pour Charles IV et les fous, voir Friedjüng, p. 109 etpiwjïin.]—