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CHAPITRE II. — DÉVELOPPEMENT DE LA PERSONNALITÉ.

ment puissante et un esprit richement doué, capable de s’assimiler en même temps tous les éléments de la culture d’alors, on voyait surgir l’ « homme universel », l’uomo universale, qui appartient exclusivement à l’Italie. Pendant tout le moyen âge il y a eu dans différents pays des hommes qui possédaient la science universelle, parce que cette science formait un tout assez restreint ; de même on trouve jusqu’au douzième siècle des artistes universels, parce que les problèmes de l’architecture étaient relativement simples et homogènes, et que, dans la peinture et dans la sculpture, la forme était sacrifiée à l’objet lui-même. Dans l’Italie de la Renaissance, au contraire, nous voyons des artistes qui savent créer et atteindre à la perfection dans toutes les branches à la fois, tout en étant extrêmement remarquables comme hommes. D’autres sont universels, en dehors de la pratique de l’art, dans le domaine infini de l’intelligence.

Dante, qui même de son vivant était appelé poëte par les uns, philosophe ou théologien par les autres[1], imprime à tous ses écrits le caractère de sa puissante personnalité ; l’autorité de l’écrivain s’impose au lecteur, même si l’on fait abstraction des sujets qu’il traite. Quelle force de volonté suppose l’ordonnance magistrale de la Divine Comédie ! Si l’on considère le fond même de cette œuvre immense, on reconnaît qu’il n’y a guère dans le monde des corps et dans le monde des esprits un objet important qu’il n’ait approfondi et sur lequel il ne se soit prononcé avec une autorité souveraine, même quand son opinion se résume en quelques mots. Pour Part plastique, son livre est un document précieux,

    et Démosthène sont issus de parents inconnus, et il s’écrie . Quasi animas a gignentibus haheamus !

  1. Boccaccio, Vita di Dante, p, 16.