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L’ÉTAT AU POINT DE VUE DU MÉCANISME.

indulgences fit sans doute le reste et finit par attirer sur Rome les regards de tous les peuples[1]. Outre les pèlerins qui rentraient dans leur patrie, il y avait aussi de singuliers pénitents blancs qui venaient de l’Italie dans le Nord, et parmi eux se trouvaient des hommes déguisés qui s’étaient enfuis des États de l’Église; il n’est guère probable que ces gens aient gardé le silence. Mais qui peut calculer le degré auquel l’indignation de l'Occident aurait dû s’élever pour créer à Alexandre un danger immédiat? « Il aurait, dit ailleurs Panvinio[2], fait mourir les riches cardinaux et prélats qui vivaient encore, afin d’hériter de leurs dépouilles, s’il n’avait pas été enlevé au milieu des grands projets qu’il faisait pour l’avenir de son fils. » Et qu’aurait fait César si, au moment de la mort de son père, il n’avait pas été mourant lui-même ? Quel étrange conclave eût été ce collège de cardinaux savamment épuré par le poison, qui aurait élevé au trône pontifical César Borgia, armé de tous ses moyens et n’ayant pas à craindre la présence d’une armée française ! L’imagination se perd dans un abime, dès qu’elle s’arrête sur ces hypothèses.

Au lieu de ce conclave, on vit ceux qui élurent Pie III (1603), et, peu de temps après, à la mort de ce pape, Jules lI. La réaction avait suivi de près la fin d’Alexandre VI. Quelle qu’ait été la conduite privée de Jules II, c’est lui qui est en grande partie le sauveur de la papauté. À force d’étudier les faits qui s’étaient passés sous les pontifes qui avaient succédé à son oncle Sixte IV, il avait reconnu les véritables bases et les véritables conditions de l’autorité pontificale ; il organisa son pouvoir

  1. Anshelm, Chronique de Rcrne, III, p, 146 à 156, TlUTflEM., Annales Hirsaug., t. II, p. 579, 684, 586.
  2. PanyIN,, Ucnîm, p. 341,