Page:Burckhardt - La civilisation en Italie au temps de la Renaissance. Tome 1.djvu/143

Cette page n’a pas encore été corrigée
139
CHAPITRE X. — LA PAPAUTÉ ET SES DANGERS.

de Naples moyennant une belle somme d’argent[1]. Il est difficile de calculer les éventualités politiques qui auraient pu se produire dans un passé aussi lointain ; mais il est permis de se demander si Rome aurait encore résisté à deux ou trois pontificats de ce genre. Même vis-à-vis de l’Europe catholique, il était imprudent de laisser aller les choses trop loin : les voyageurs et les pèlerins n’étaient plus en sûreté ; toute une ambassade de l’empereur Maximilien fut entièrement dépouillée dans le voisinage de Rome, et souvent des envoyés s’en retournèrent sans être entrés dans la ville.

Une telle situation était incompatible avec l’amour de la domination, tel qu’il existait chez Alexandre VI (1492-1503) ; aussi la première chose que fit ce pontife, ce fut d’assurer la sécurité publique et de payer exactement tous les fonctionnaires.

À la rigueur, on pourrait passer ce pontificat sous silence dans un livre qui traite des formes de la culture italienne, car les Borgia sont aussi peu Italiens que la maison régnante de Naples. Alexandre s’adresse en espagnol à son fils César, même quand il lui parle en public ; lors de la réception qu’on lui fit à Ferrare, Lucrèce portait le costume espagnol, et ce furent des bouffons espagnols qui la saluèrent de leurs chants ; les serviteurs de confiance de la maison sont tous Espagnols ; de même les soldats les plus décriés de l’armée que conduisait César dans la guerre de 1500 ; son bourreau, don Micheletto, ainsi que son empoisonneur en titre, Sébastien Pinson[2], semblent avoir été des Espagnols. Entre autres

  1. Scriptores, II. passim. D’après Dispaeci dt Antonio Gmstimani. I, p. 60, et III, p, 309 Séb Pinzon était de Crémone.
  2. De nos jours la question a été surtout traitée par Gregorovius, Lucrèce Borgia, 2 vol., 3e édit., Stuttg., 1875.