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L’ÉTAT AU POINT DE VUE DU MÉCANISME.

a fait de la guerre une science et un art complets et raisonnés ; c’est ici que nous trouvons pour la première fois l’admiration toute philosophique du connaisseur à la vue d’une guerre savamment conduite, admiration toute naturelle, d’ailleurs, au miUeu de ces fréquents changements de parti et dans ce monde de condottieri qui ne connaissent et ne voient que leur métier. Pendant la guerre milano-vénitienne de 1451 et 1452, entre François Sforza et Jacques Piccinino, un écrivain, Jean-Antoine Porcello de Pandoni, suivit le quartier général de ce dernier, avec mission de rédiger une relation[1] des faits militaires pour le roi Alphonse de Naples. Ce rapport est écrit dans un latin plus coulant que pur, avec l’enflure que prêchaient alors les écoles d’humanités ; en somme, l’auteur a pris pour modèle César, l’écrivain qu’Alphonse admirait le plus ; il y a inséré des discours, raconté des prodiges, etc., et, comme depuis cent ans on discutait sérieusement la question de savoir lequeldes deux avait été le plus grand, de Scipion l’Africain ou d’Annibal[2], Piccinino et Sforza sont obligés de se résigner à se voir appeler dans tout l’ouvrage, l’un Scipion et l’autre Annibal. Porcello devait aussi faire une description tout objective de l’armée milanaise ; il se fit donc présenter à Sforza, qui le fit conduire de rang en rang —, le sophiste se confondit en éloges et promit de transmettre également à la postérité ce qu’il avait vu[3]. En général. la littérature italienne du temps est riche

  1. Porcellii Commentaria Jac. Pic’mini, dans MuRAT-, XX-, et une suite pour la guerre de 1453, ihid., XXV, L’ouvrage est coadamnii par Paul Cortesius, hominihus doctis (Flor., 1734), p. 33, à cause des pitoyables hexamètres qu’il renferme.
  2. Porcello donne par méprise à Scipion le nom d’Émihen, tandis qu’il veut parler de Scipion l’Africain, de Scipion l’aîné.
  3. Simonetta….. SJorticCj dans Murat., XXI, col » 630.