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L’ÉTAT AU POINT DE VUE DU MÉCANISME.

on à ne plus revoir du tout le prince florentin ou à le revoir couvert de gloire. Les Italiens de cette époque, surtout les envoyés vénitiens, déployaient, sur le terrain de la politique, un talent de persuasion dont les peuples de ce côté-ci des Alpes n’ont eu l’idée que par leur exemple. Ce talent, il faut s’abstenir de le juger d’après les discours de réception officiels, qui rentrent dans les produits de la rhétorique des écoles. Les grossièretés et les naïvetés ne manquaient pas non plus dans les relations diplomatiques [1], malgré toutes les exigences d’une étiquette très-minutieuse. — Entre tous les écrivains politiques, Machiavel nous apparaît sous des traits presque touchants dans ses Légations. N’ayant qu’une instruction insuffisante, une fortune plus que modeste, traité en agent subalterne, il ne perd jamais son esprit d’observation aussi indépendant que profond, ni son ardeur à répandre la lumière sur les faits qu’il rapporte. — L’Italie du quinzième siècle est et restera le pays des « instructions » et des « relations » politiques par excellence. Sans doute il y a eu dans d’autres États des négociations parfaitement conduites, mais ce n’est qu’ici que l’on trouve d’aussi bonne heure de nombreux monuments. La grande dépêche qui remonte à la fin de la vie tourmentée de Ferrante de Naples (17 janv. 1494), dépêche écrite de la main de Pontano et adressée au cabinet d’Alexandre VI, donne la plus haute idée de ce genre d’écnts politiques ; encore ne nous est-elle parveuue que par occasion, parmi les nombreuses dépêches que

  1. Compar., p. ex., Malipiero. p— 216, 221 (voir plus haut p. 112, note 2, et p. 117, note 2), 236, 237, 478, etc. Comp. a ussi Egnatiüs. fol. 321 a. Le Pape maudit un amba.ssadeup ; un ambassadeur vénitien insulte le Pape, un autre raconte une fable à ses auditeurs pour les gagner à sa cause, et ainsi de suite.