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L’ÉTAT AU POINT DE VUE DU MÉCANISME.

où elles étaient exposées, et Frédéric, ainsi qu’Ezzelino, continuaient d’être pour l’Italie les plus grandes figures politiques du treizième siècle. Leur image, déjà reproduite sous des traits à moitié fabuleux, se détache des « Cent vieilles Nouvelles », dont la rédaction primitive date certainement de ce siècle[1]. Frédéric y apparaît déjà avec la prétention de disposer en maitre absolu de la fortune de ses sujets, et il exerce, par sa personnalité même, une influence considérable sur les usurpateurs tentés de l’imiter ; Ezzelino y est nommé et représenté avec ce respect mêlé de terreur qui est la marque la plus sûre d’une imagination vivement frappée. Sa personne devint le centre de toute une littérature qui commence à la chronique des témoins oculaires et qui va jusqu’à la tragédie à moitié mythologique[2].

Aussitôt après la chute de ces deux hommes, on voit surgir en grand nombre les tyrans particuliers, dont l’usurpation est facilitée surtout par les querelles des Guelfes et des Gibelins. Ce sont généralement des chefs gibelins qui s’emparent du pouvoir ; mais avec cela les circonstances au milieu desquelles s’accomplit l’usurpation sont si nombreuses et si variées qu’il est impossible de méconnaître dans tous ces faits particuliers un caractère général de fatalité. Relativement aux moyens à employer, ils n’ont qu’à marcher sur les traces des partis, c’est-à-dire à exiler, à exterminer, à ruiner ceux qui les gênent.

  1. Cento Novelle antiche, éd. 1525. Pour Frédéric, nov. 2, 21, 22, 23, 24, 30, 53, 59, 90, 100 ; pour Ezzelino, nov. 31, surt. 84.
  2. Scardeonius, De urbis Patav. antiq, dans le Thesaurus de Graevius, VI, III, p. 259.