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Ignorant. Vous courez tellement, que je ne puis vous suivre : prenez les devants ; je marcherai plus lentement derrière vous.

Alors Chrétien s’adressant à son compagnon de voyage, lui dit : Venez, mon cher frère, je vois bien qu’il nous faut continuer seuls.

Ils avancèrent en effet, et Ignorant les suivit à quelque distance, en se dandinant. Chrétien dit à son ami : Je suis bien affligé de l’état de cet homme ; assurément il finira mal.

Grand-Espoir. Hélas ! il y a dans notre ville une quantité de gens qui lui ressemblent ; il y a des familles entières où l’on ne trouve que des gens dans cet état, même parmi ceux qui professent de vouloir faire le pélérinage de la Cité céleste : et s’il y en a tant dans notre pays, combien ne doit-il pas y en avoir dans la ville natale d’Ignorant.

Chrétien. La parole de Dieu dit : « Il a bouché leurs yeux de peur qu’ils ne voient »[1]. Mais maintenant que nous sommes seuls, dites-moi ce que vous pensez de ces gens-là ? Croyez-vous qu’ils n’aient jamais de conviction de péché et qu’ils soient toujours tranquilles sur leur état ?

Grand-Espoir. C’est à vous à répondre à cette question ; vous avez plus d’âge et d’expérience que moi.

Chrétien. Je crois qu’ils ont quelquefois des doutes

  1. Es. VI, 10 ; Jean XII, 40.