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il leur arracha enfin les yeux, et les conduisit parmi ces tombeaux, au milieu desquels ils errent continuellement ; en sorte que cette parole du sage a été accomplie en eux : « L’homme qui s’écarte du chemin de la prudence aura sa demeure dans l’assemblée des morts »[1]. En entendant ces paroles, Chrétien et Grand-Espoir se regardèrent les larmes aux yeux, mais sans rien dire aux bergers.

Ceux-ci menèrent encore les pèlerins au fond d’une vallée, dans un endroit où il y avait une porte pratiquée sur le flanc d’une montagne ; ils ouvrirent cette porte, et Chrétien et son compagnon de voyage virent que le lieu auquel elle conduisait était obscur et rempli de fumée : il leur sembla distinguer le bruit pétillant des flammes ; on n’y entendait que des pleurs et des grincements de dents, et il en sortait une odeur semblable à celle du soufre. Chrétien ayant demandé ce que c’était, les bergers lui dirent : C’est un chemin détourné qui conduit à l’enfer, un chemin par lequel passent les hypocrites, savoir ceux qui, comme Esaü, vendent leur droit d’aînesse ; ceux qui, comme Judas, vendent leur maître ; ceux qui, comme Alexandre, déshonorent la profession de l’évangile ; et ceux enfin qui, comme Ananias et Saphira, mentent au Saint-Esprit.

Alors Grand-Espoir dit aux bergers : Tous ces gens ne voulaient-ils pas, comme nous, se rendre à la Cité céleste ?

  1. Prov. XXI, 16.