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existence que de vivre dans cet état. J’aime mieux la mort qu’une telle vie, et le sépulcre me paraît préférable à ce cachot. Suivrons-nous le conseil du Géant ?

Grand-Espoir. Il est vrai que notre sort actuel est déplorable, et que la mort serait bien plus douce ; mais n’oublions pas que le Seigneur du pays dans lequel nous allons a dit : Tu ne tueras point ; et s’il nous est défendu d’ôter la vie à notre prochain, assurément il nous est aussi défendu de suivre le conseil du Géant, qui est de nous ôter la vie à nous-mêmes. Celui qui tue son semblable ne peut lui ôter que la vie du corps ; mais celui qui se tue soi-même, fait périr son corps et son ame tout à la fois. De plus, mon frère, quand vous parlez du repos de la tombe, vous oubliez qu’il y a un enfer où vont assurément tous les meurtriers. Car « aucun meurtrier n’a la vie éternelle demeurante en lui. » Enfin, souvenons-nous que le Géant Désespoir n’est pas tout-puissant ; d’autres pèlerins, si je suis bien informé, sont tombés comme nous entre ses mains, et lui ont cependant échappé. Qui sait si le Créateur de toutes choses ne fera pas mourir ce Géant ; ou si une fois ou l’autre Désespoir n’oubliera pas de fermer à clé la porte de ce cachot ; ou enfin s’il n’aura pas encore en notre présence un de ces accès qui lui ôtent l’usage de ses membres. Si cela lui arrive de nouveau, je suis déterminé à me comporter vaillamment et à faire tous mes efforts pour me tirer de ses mains. J’ai été bien fou d’en avoir laissé