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suis cause que nous sommes sortis du chemin.

Non, dit Grand-Espoir, vous n’irez pas le premier ; troublé comme vous l’êtes, vous pourriez vous égarer encore. Alors ils entendirent, pour leur encouragement, une voix qui leur disait : « Prends garde au chemin, et par quelle voie tu es venu ; retourne-t’en »[1]. Mais dans l’intervalle les eaux s’étaient élevées si haut qu’il était très-dangereux de reprendre le même chemin. (Il est, hélas ! bien plus facile de sortir de la route, quand nous y marchons, que d’y rentrer quand nous en sommes sortis.) Cependant ils se hasardèrent à retourner sur leurs pas ; mais la nuit était si sombre et les eaux si hautes, qu’ils coururent vingt fois le risque de se noyer.

Il leur fut impossible, quelque peine qu’ils se donnassent, de regagner la barrière pendant la nuit. C’est pourquoi, s’arrêtant enfin sous un abri, ils s’y assirent pour attendre le jour, et, accablés de fatigue, ils s’endormirent. Or il y avait non loin de l’endroit où ils se reposaient, un château appelé le Château du Doute, dont le propriétaire était le Géant Désespoir, et c’était sur ses terres qu’ils se trouvaient alors. Le Géant s’étant levé de bonne heure et se promenant dans ses champs, surprit Chrétien et Grand-Espoir endormis. Aussitôt, d’une voix rauque et menaçante, il les réveilla et leur demanda d’où ils

  1. Jer. XXXI, 21.