Page:Bunyan - Le pelerinage du chretien a la cite celeste.djvu/148

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

route quelque temps qu’il fasse, et moi je crois devoir attendre le vent et la marée. Ils croient devoir tout risquer pour l’amour de Dieu, et moi je crois devoir faire tout ce qui dépend de moi pour mettre ma vie et mes biens en sûreté. Ils croient devoir persister dans leurs opinions, en dépit de tout le monde, et moi je crois devoir être religieux autant que les circonstances et mon avantage me le permettent. Ils sont pour la religion, quand elle nous expose à l’opprobre et à la pauvreté, et moi je suis pour la religion quand elle est honorée et applaudie.

M. Tout au Monde. Assurément vous avez raison, mon bon M. Cherche-Profit ; quant à moi, je ne peux pas m’empêcher de regarder comme un sot celui qui, étant maître de conserver ce qu’il possède, a la bêtise d’y renoncer. Soyons prudents comme des serpents ; il faut faire les foins quand le soleil donne ; vous voyez que l’abeille demeure tranquille tout l’hiver, et ne se met en mouvement que quand elle peut y trouver à la fois son avantage et son plaisir. Tantôt Dieu envoie la pluie ; tantôt il fait lever sur nous son soleil ; s’il y a des gens assez insensés pour préférer la pluie, contentons-nous du beau temps. Quant à moi, j’aime la religion qui n’empêche pas que je ne conserve les biens que Dieu m’a donnés dans sa bonté : car quel homme raisonnable peut douter que si Dieu nous a accordé tant de bonnes choses, c’est pour que nous les conservions pour l’amour de lui ? La religion a enrichi Abraham et Salomon,