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CHAPITRE XI.

Randal, lors de son retour à Londres, entendit dans les rues et dans les clubs des rumeurs confuses et contradictoires sur la chute probable du gouvernement à la prochaine session parlementaire. Ces rumeurs étaient nées subitement et comme en une heure. Depuis quelque temps, il est vrai, les capables secouaient la tête en disant : « Le ministère ne peut durer. » Certains changements dans la direction politique avaient l’année d’auparavant divisé le parti sur lequel s’appuyait le gouvernement, et donné des forces à l’opposition. Mais cependant les membres les plus importants de l’administration étaient depuis si longtemps comme identifiés à leurs positions officielles, et l’opposition paraissait si loin d’être en état de former un cabinet composé de noms familiers à la chambre, que le public s’était tout au plus attendu à quelques changements partiels. Les rumeurs dont nous parlons allaient beaucoup plus loin. Randal qui, pour le présent, ne pouvait prétendre à d’autre importance que celle qu’il tirait de la grande position de son patron, fut alarmé. Il alla trouver Egerton, mais le ministre demeura impénétrable et lui parut calme, confiant, imperturbable. Randal, un peu rassuré, s’occupa sur-le-champ de trouver une maison à Riccabocca ; car incertain de réussir par la protection d’Egerton, il n’en était que plus ardent à la poursuite de l’héritière. Il trouva une maison tranquille, indépendante, cachée au milieu d’un jardin dans le voisinage de Norwood. Nul endroit n’était plus à l’abri de l’espionnage et de l’attention publique. Il écrivit à Riccabocca, lui indiqua la maison, et l’assura de nouveau de la volonté et du pouvoir qu’il avait de le servir. Le lendemain matin Randal était à son bureau, ne pensant guère aux affaires de détail qu’il expédiait cependant avec une précision mécanique, lorsque le ministre chargé de ce département du service public le fit inviter à passer dans son cabinet, et là le pria de porter une lettre à Egerton, avec lequel il désirait se consulter relativement à une affaire très-importante qui devait être portée au conseil ce jour-là même. « Je vous charge de cette lettre, dit le ministre en souriant (ce ministre était un homme simple et droit), parce que vous avez la confiance de M. Egerton, et qu’il vous donnera peut-être une réponse verbale en même temps qu’une réponse écrite. Egerton est souvent par trop prudent et par trop bref dans la litera scripta ! »

Randal alla d’abord au ministère d’Egerton, on ne l’y avait pas vu ce jour-là. Il prit alors un cabriolet et se rendit à Grosvenor-Square. Une voiture était à la porte. M. Egerton était chez lui, mais, ajouta