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— Quel est son nom ? Et pourquoi prend-il soin de moi, grand-mère ?

— Il vous le dira lui-même. Dépêchez-vous !

— Donnez-moi encore votre bénédiction, grand’mère. Je vous aime déjà.

— Je vous bénis, dit mistress Avenel d’une voix ferme. Soyez honnête et bon, et prenez garde au premier faux pas ; » puis lui serrant convulsivement la main elle le conduisit jusqu’à la porte.

Le postillon fit claquer son fouet, et l’on entendit le roulement de la voiture qui s’éloignait. Léonard mit la tête à la portière pour apercevoir une dernière fois la figure de sa grand’mère ; mais les branches du vieux saule, au tronc noueux et décrépit, la dérobèrent à ses yeux ; il eut beau regarder jusqu’à l’endroit où la route tournait, il ne vit plus que l’arbre mélancolique.


CHAPITRE XXI.

« Halte-là ! » s’écria une voix ; et Léonard ne fut pas médiocrement surpris de voir l’étranger qui l’avait accosté la veille monter dans la chaise de poste.

« Eh bien ! dit Richard, je ne suis pas celui que vous attendiez, paraît-il. Donnez-vous le temps de vous remettre. » Et en disant ces mots Richard tira un livre de sa poche, se renversa dans le fond de la voiture et se mit à lire. Léonard regarda à la dérobée la physionomie intelligente, énergique et vraiment belle de son compagnon, et peu à peu il y reconnut un air de famille avec le pauvre John, qui, en dépit de son grand âge et de ses infirmités, conservait encore une régularité de traits peu commune. Avec cet enchaînement d’idées naturel à ceux qui s’occupent des sciences mathématiques, le jeune homme conjectura bientôt qu’il avait devant lui son oncle Richard. Il eut la discrétion pourtant de laisser ce gentleman libre de choisir son temps pour se faire connaître, et il reprit en silence le cours des pensées que lui suggérait la nouveauté de sa situation. M. Richard lisait avec une vitesse incroyable, quelquefois il coupait avec son canif les feuilles de son livre, d’autres fois il les déchirait avec son doigt ou bien en sautait plusieurs d’un seul coup. Il arriva ainsi à la fin du volume, le jeta de côté, alluma son cigare et commença l’entretien.

Il fit à Léonard plusieurs questions relatives à son éducation et à la manière dont il avait acquis son instruction. Léonard, confirmé dans l’idée qu’il répondait à un parent, le fit avec la plus grande franchise.

Richard ne trouva pas surprenant que Léonard eût acquis tant