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— Ah !… c’est à monsieur Dale que j’ai l’honneur de parler. Je l’avais pensé quand vous êtes entré dans la salle. J’espère que madame se porte bien, et le squire aussi, le bon gentilhomme ! Ce n’est pas sa faute si M. Egerton a mal tourné. Nous ne l’avons jamais revu depuis, j’entends M. Egerton. Je ne m’étonne pas qu’il se tienne à l’écart ; mais le fils de notre seigneur qui a été élevé ici, n’aurait jamais dû se tourner contre nous ! »

M. Dale ne répondit pas, et l’aubergiste allait se retirer, quand le curé lui dit en se versant un second verre de vin :

« Il doit y avoir de grands changements dans la paroisse. M. Morgan, le médecin, est-il encore ici ?

— Non, vraiment ; il a pris son diplôme après votre départ, et est devenu un vrai docteur. Il avait même déjà une jolie clientèle, quand il se prit tout d’un coup de fantaisie pour un nouveau genre de médecine ; je crois que l’on appelle cela la méo… je ne sais quoi.

— L’homœopathie ?

— C’est cela. Quelque chose qui n’a pas le sens commun. Aussi il perdit toute sa clientèle ici et s’en alla à Londres. Je n’en ai pas entendu parler depuis.

— Les Avenel habitent-ils encore leur ancienne demeure ?

— Oui, certes ; et ils sont bien à leur aise, à ce que l’on dit. John ne se porte toujours pas très-bien, quoique de temps en temps il aille au café des Bons viveurs prendre son petit verre ; mais sa femme vient toujours l’y chercher, de crainte qu’il ne se fasse du mal.

Mme Avenel est toujours la même ?

— Je crois qu’elle tient la tête plus haut encore, dit l’aubergiste en souriant. Elle est toujours restée je ne dirai pas fière, mais enfin elle ne se regarde pas comme de la petite bière. Vous comprenez, monsieur.

— Oui, dit le curé avec un demi-sourire… Il me semble que les Avenel n’ont plus que deux enfants, leur fille qui a épousé Mark Fairfield, et un fils qui est parti en Amérique ?

— Mais il y a fait fortune, et en est revenu.

— Vraiment ! j’en suis bien aise. S’est-il fixé à Lansmere ?

— Non, monsieur, j’ai ouï dire qu’il avait acheté une propriété loin d’ici. Mais il vient souvent voir ses parents, John me l’a dit du moins ; cependant je ne puis dire que l’aie jamais vu. Je crois que Dick n’aime pas à être rencontré par les gens qui se souviennent l’avoir vu jouer dans le ruisseau.

— Ce n’est pas étonnant, dit le curé avec indulgence ; mais puisqu’il vient voir ses parents, il est bon fils paraît-il ?

— Je n’ai rien à dire contre lui. Dick était un mauvais garnement avant son départ. Je ne pensais pas qu’il dût jamais faire fortune ; mais ces Avenel sont d’habiles gens. Vous rappelez-vous la pauvre Nora, la rose de Lansmere comme on l’appelait ? Ah ! non, il me semble qu’elle était déjà à Londres avant votre arrivée ici, monsieur.