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mes pressentiments ; car elle était pleine d’amertume et de fiel, d’accusations contre le monde, de craintes pour le pays. Richelieu même n’avait pu voir les choses sous un aspect plus sombre, lorsque ses levers furent désertés et que son pouvoir parut anéanti, avant la journée des dupes. Une seule lueur de consolation visitait le cœur de lady Ulverstone et rayonnait de là sur l’avenir du monde. Un second fils était né à lord Castleton. C’était ce fils qui devait hériter du comté d’Ulverstone et des biens de la comtesse. Jamais il n’y eut d’enfant de si grandes espérances. Non, Virgile lui-même, lorsqu’il invoqua les muses siciliennes pour chanter la naissance du fils de Pollion, ne fit pas entendre des accents plus majestueux. Ce fut à cette occasion qu’un poète dit :

Noble enfant, obéis à la voix qui t’appelle ;
Toi seul, tu soutiendras l’univers qui chancelle ;
Viens rassurer la terre, et la mer et les cieux ;
Viens, à jamais ton nom restera glorieux.

Rêve de bonheur que le ciel envoie aux grands-parents ! Baptême où l’espérance renaît sous les gouttes qui mouillent le front du petit-fils !

Le temps s’envole ; les affaires continuent de prospérer. Je viens de quitter la banque d’Adélaïde d’un air satisfait, lorsque soudain je suis arrêté dans la rue par les salutations de personnes qui ne m’avaient jamais auparavant serré la main, et qui s’écrient alors : « Je vous fais mes compliments, monsieur. Ce brave jeune homme, votre homonyme, est sans doute votre proche parent.

— Que voulez-vous dire ?

— N’avez-vous pas vu les journaux ?… Les voici : Belle conduite de l’enseigne de Caxton, promu au grade de lieutenant sur le champ de bataille. »

J’essuie mes yeux et je m’écrie : « Dieu soit loué ! c’est mon cousin ! »

Alors, nouveaux serrements de mains ; de nouveaux groupes se forment autour de moi. Je me sens plus grand d’une tête. Nous autres maussades Anglais, qui nous querellons toujours entre nous, et pour qui le monde n’est pas assez vaste, lors-