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air très-sombre, j’en suis sûr, la pauvre créature s’arrêta court, pencha la tête d’un côté et me regarda obliquement et avec défiance. Puis, voyant que je ne lui faisais aucun mal, l’oiseau recommença à risquer quelques notes timides, s’arrêtant après chacune, comme pour m’interroger ; et voyant enfin que je ne lui répondais pas, il pensa évidemment que la question était résolue et que j’étais plus à plaindre qu’à redouter ; car il se laissa aller peu à peu à des accords d’une modulation si suave et si argentine, que je crois vraiment qu’il avait l’intention de me consoler, moi, son vieil ami, qu’il avait si injustement soupçonné !

Jamais musique ne m’émut aussi profondément que cette longue et plaintive cadence. Et lorsque l’oiseau eut fini, il vint se percher tout contre les barreaux de sa cage, et me regarda fixement avec ses yeux brillants d’intelligence. Je sentis les miens se remplir de larmes ; je m’éloignai et m’arrêtai debout au milieu de la chambre, ne sachant que faire ni où aller. Mon père avait corrigé son épreuve et s’était replongé dans ses in-folio. Roland, après avoir fermé son petit livre rouge, l’avait remis dans sa poche et avait essuyé soigneusement sa plume ; il m’examinait alors attentivement de dessous ses épais sourcils. Tout à coup il se leva et, frappant l’âtre de sa jambe de bois, s’écria :

« Laissez là ces maudits livres, frère Austin ! Qu’y a-t-il sur les traits de ce garçon ? Traduisez cela, si vous pouvez. »


CHAPITRE II.

Et mon père mit ses livres de côté et se leva vivement. Il ôta ses lunettes, les essuya machinalement, mais sans rien dire ; et mon oncle, après l’avoir considéré un moment, s’écria, tout surpris de son silence :

« Ah ! je vois ! Il sera tombé dans quelque mauvaise affaire, et vous êtes fâché. Fi ! il faut que jeunesse se passe, Austin ; il le faut ! Je ne le blâme pas pour cela… ce n’est