Page:Bulwer-Lytton - Aventures de Pisistrate Caxton.djvu/110

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

droit. Du bœuf, ou plutôt de la vache enragée ; humph ! De l’agneau ! C’est un morceau de vieux bélier cru. Ce pâté date de vingt jours au moins. Ah ! voici du veau ; mais non, c’est du porc ! Que voulez-vous que je vous serve ?

— Servez-vous, » répondit le jeune homme en se levant avec humeur et regardant ces viandes avec dédain. Après une longue pause, il goûta d’abord de l’une, puis de l’autre, avec maints haussements, d’épaules et maintes exclamations de mécontentement.

Tout à coup il releva la tête et demanda de l’eau-de-vie ; et à ma grande surprise, à mon admiration, il en but près de la moitié d’un grand verre, sans mêler d’eau à ce poison, et avec un calme qui dénotait une longue habitude. « Vous avez tort, dit son compagnon en tirant à lui la bouteille et en mêlant l’alcool avec une bonne portion d’eau. Vous avez tort ; les tuniques de l’estomac sont bientôt usées lorsqu’on les frotte avec de pareilles brosses. Mieux vaut s’en tenir à l’écumante liqueur, comme dit l’aimable Will. Ce jeune monsieur vous donne un bon exemple. »

Celui qui parlait m’indiquait d’un signe de tête familier. Malgré mon peu d’expérience, je soupçonnai aussitôt que son intention était de faire connaissance avec le voisin qu’il désignait ainsi. Je ne me trompais pas.

« Peut-on vous offrir quelque chose ? me demanda, un instant après, ce sociable personnage, en décrivant un demi-cercle avec la pointe de son couteau.

— Je vous remercie, monsieur ; j’ai dîné.

— Qu’importe ? Jetez-vous sur un second service, ainsi que le recommande le cygne… le cygne de l’Avon, monsieur. Non ? Eh bien, alors je vous adjure avec cette coupe de Canarie. Allez-vous loin, si toutefois il est permis de vous faire cette question ?

— Jusqu’à Londres, si c’est possible.

— Ah ! fit le voyageur, » tandis que son jeune compagnon levait les yeux. Je fus encore frappé de leur pénétration remarquable et de leur éclat. « Londres est le meilleur endroit du monde pour un garçon d’esprit. La vie à Londres est le miroir de la mode et le moule de la forme. Aimez-vous le théâtre, monsieur ?

— Je n’y suis jamais allé !