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de Merton, à un mille de distance du château héréditaire de la famille. Il fut bientôt fort considéré et fort aimé. Il pratiquait largement l’hospitalité, et fit ajouter au presbytère un nouveau corps de logis contenant une grande salle à manger et six belles chambres à coucher, ce qui lui donna l’apparence d’une villa élégante plutôt que d’un presbytère de village. Lorsque son frère aîné entra en possession de son patrimoine, il habita presque constamment ses terres, et devint, comme avant lui son père, représentant du comté ; il fut bientôt l’un des gentilshommes de province les plus considérés de la Chambre des Communes. Sir John Merton, qui montait fréquemment à la tribune, était un orateur sensé, quoique singulièrement ennuyeux ; c’était un homme d’un caractère fort indépendant (car il possédait un revenu net de quatorze mille livres sterling[1], et ne cherchait pas à remplir des fonctions publiques). Il se piquait de n’être pas homme de parti, de sorte que son vote, dans les affaires critiques, était une question sujette au doute, et par conséquent de beaucoup d’intérêt. Sir John Merton répandait donc une importance considérable sur le révérend Charles Merton. Ce dernier avait conservé les plus distinguées de ses anciennes connaissances de Londres ; et, à certaines époques de l’année, peu de maisons de campagne étaient fréquentées par une société plus aristocratique que le riant presbytère. Du reste M. Merton s’arrangeait de manière à faire du château un réservoir pour le presbytère ; il y puisait périodiquement l’élite des commensaux de son frère, pour leur faire passer quelques jours chez lui. Il en venait d’autant plus facilement à bout que son frère était veuf, et que sa conversation roulait toujours sur les mêmes questions : la situation du pays, et les intérêts de l’agriculture. M. Merton était en rapports excellents avec son frère. En l’absence de sir John il gérait ses propriétés ; il maintenait l’influence de la famille ; il s’entendait parfaitement à toutes les manœuvres électorales ; il était bon orateur dans un cas d’urgence ; c’était un magistrat capable, et en somme un homme éminemment utile au comté. De fait il jouissait plus généralement de la faveur publique que son frère, et il était l’objet d’une considération presque égale ; probablement parce qu’il avait beaucoup moins d’ostentation. Le révérend Charles Merton avait fort bon goût. Sa table était abondante, quoique simple ;

  1. 350,000 francs.