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Caroline passa la tasse à lord Vargrave ; en la prenant, il regarda la main qui la lui tendait ; à l’un de ses doigts effilés il y avait une bague qu’on n’y avait jamais remarquée auparavant. Leurs regards se rencontrèrent, et Caroline rougit. Lord Vargrave se tourna vers Éveline qui, pâle comme la mort, mais silencieuse, morne, l’œil sec, était assise à Côté de sa mère ; il essaya en vain de la faire causer. Éveline, tout entière au désir de dompter la violence de ses émotions, n’osait se hasarder à dire un mot.

Mistress Merton, toujours calme et placide, continuait à parler ; elle se félicitait de la beauté du jour ; il faisait un temps si délicieux ! et puis ils allaient partir de bonne heure : tout se trouvait si bien combiné ! ils arriveraient à temps pour dîner à *** ; puis on pourrait faire trois relais après le dîner : la lune serait levée.

« Mais, dit lord Vargrave, puisque je dois aller avec vous jusqu’à *** où nous nous séparerons, j’espère que je ne suis pas condamné à voyager seul, avec mon portefeuille, deux vieux journaux, et mes vapeurs noires. Ayez pitié de moi.

— Peut-être voudriez-vous prendre grand’maman alors, » lui dit tout bas Caroline avec malice.

Lumley haussa les épaules, et répondit du même ton :

« Oui, pourvu que vous mainteniez le proverbe : les extrêmes se touchent, et que la charmante petite fille accompagne la vénérable grand’mère.

— Que dirait Éveline ? » répliqua Caroline.

Lumley soupira, et ne répondit point.

Mistress Merton, qui avait suspendu le feu de ses batteries pendant cet aparté de sa fille, revint en ce moment à la charge.

« Voulez-vous, lord Vargrave, que Caroline et moi nous prenions votre britzka, tandis que vous irez dans notre vieille voiture avec Éveline et mistress Leslie ? »

Lumley ravi regarda alternativement d’un œil joyeux son interlocutrice et Éveline ; mais mistress Leslie dit très-gravement :

« Non ; Éveline et moi nous éprouverons trop de tristesse à quitter ces lieux si chers, pour être d’une société bien aimable pour lord Vargrave. Nous nous rencontrerons tous à dîner ; ou bien, ajouta-t-elle après un moment de silence, si cet arrangement déplaît à lord Vargrave, ne pourrions-nous pas, Éveline et moi, prendre sa voiture, tandis qu’il vous accompagnerait ?