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le sait ! voudrais vous épargner tout regret, est-ce à moi à vous apporter, maintenant que les années ont détruit le peu de charmes que je possédais, ce cœur désenchanté et cette âme découragée ? oh ! non, non ! »

Alice s’arrêta soudain, et des larmes coulèrent le long de ses joues.

« Qu’il en soit comme vous voudrez, dit Maltravers avec tristesse ; mais du moins fondez votre refus sur de meilleures raisons. Dites plutôt que maintenant, indépendante par votre fortune, et attachée aux habitudes que vous avez contractées, vous ne voudriez pas risquer votre bonheur en le confiant à ma sauvegarde. Peut-être avez-vous raison. Vous contribueriez certainement à mon bonheur, à moi ; votre douce voix chasserait plus d’une triste pensée, plus d’un douloureux souvenir de ces années de déceptions qui se sont écoulées depuis notre séparation ; votre image dissiperait la solitude qui se fait autour de l’avenir d’une vie de mécomptes et d’anxiétés. En vous, en vous seule, je pourrais trouver une famille, une consolatrice, une amie indulgente et compatissante. Voilà ce que vous pourriez faire pour moi : et cela avec un cœur et un visage également fidèles à un amour qui ne méritait pas un dévouement si constant. Mais moi, que puis-je vous donner ? Votre rang est égal au mien ; votre fortune suffit à votre vie si simple. C’est vrai, l’échange est inégal, Alice. Adieu !

— Cruel ! s’écria Alice en s’approchant timidement de lui. Si je pouvais… moi, si ignorante, si indigne de vous… si je pouvais consoler un seul de vos soucis !… »

Elle n’en dit pas davantage, mais elle avait dit assez : Maltravers la pressa entre ses bras, et sentit, une fois encore, battre contre le sien ce cœur qui ne s’était jamais, même par la pensée, écarté de son premier culte.

Il l’entraîna doucement dans le jardin. Le soleil doux et tiède du dernier mois de l’été jetait ses rayons sur les fleurs embaumées ; un sourire doré et riant se jouait sur les vagues solennelles de l’océan lointain qui s’étendait à l’horizon.

« Ah ! murmura Alice en relevant sa tête qui reposait sur le sein de Maltravers, je ne vous demande pas si vous avez aimé d’autres femmes depuis notre séparation : l’amour des hommes est si différent du nôtre ! je vous demande seulement si vous m’aimez maintenant.

— Plus, oh ! bien plus que dans notre jeune temps ! s’é-