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jours une consolation. Maintenant occupons-nous de ce qui me reste encore ! »

La première lettre que Lumley ouvrit, était de lord Saxingham. Elle le remplit de consternation. La question en délibération avait été formellement, mais soudainement décidée, dans le cabinet ministériel, contre Vargrave et ses manœuvres. Quelques expressions inconsidérées échappées à lord Saxingham avaient été immédiatement relevées par le premier ministre, et sa démission, plutôt insinuée que déclarée, avait été péremptoirement acceptée. Les adhérents de lord Saxingham et de lord Vargrave, dans le gouvernement, avaient été renvoyés sans exception ; et, au moment où lord Saxingham écrivait, le premier ministre était auprès du roi.

« Malédiction sur leur maladresse !… les imbéciles !… les idiots !… s’écria Lumley en écrasant la lettre dans sa main. Aussitôt que je les quitte, ils vont se casser la tête contre les murs. Malédiction sur eux !… Malédiction sur moi !… Malédiction sur l’homme qui veut tisser des cordes avec du sable ! Il ne me reste rien… que l’exil ou le suicide ! Ah ! Qu’est-ce que ceci ? ».

Ses regards étaient tombés sur l’écriture bien connue du premier ministre. Il déchira l’enveloppe, impatient de connaître toute l’étendue de son malheur. À mesure qu’il lisait, ses yeux étincelaient. La lettre était pleine de courtoisie, de flatteries, de séductions. Le ministre était un homme profondément versé dans les moyens d’étendre, aussi bien que d’épurer un parti. Saxingham et ses amis étaient des imbéciles, des incapables, presque tous des hommes qui avaient fait leur temps. Mais lord Vargrave, dans la force de l’âge ; Vargrave versatile, accompli, vigoureux, amer, peu scrupuleux ; Vargrave était d’une tout autre trempe, Vargrave était à craindre ; et par conséquent il fallait le conserver, si c’était possible. Sa puissance de nuire se trouvait indubitablement accrue par le bruit universellement répandu à Londres qu’il était sur le point d’épouser une personne fort riche. Le ministre connaissait son homme. Dans des termes de regret affecté, il parlait de la perte que le gouvernement allait éprouver en se privant des services de lord Saxingham, etc. etc ; il se réjouissait de ce que l’absence de lord Vargrave l’eût empêché de se trouver prématurément mêlé, par de faux scrupules d’honneur, à des scissions que son jugement devait condamner. Il traitait la question en dis-